Un garçon observe les colis largués par un avion du Programme alimentaire mondial, près du village de Rubkai, au Soudan du Sud, le 18 février.
SIEGFRIED MODOLA / REUTERS
› Accéder au portfolioTriste constat et sombres souvenirs : la famine est bel et bien de retour en Afrique de l’Est. La sécheresse frappe depuis fin 2016 plusieurs pays de la région (Somalie, Kenya, Ethiopie, Djibouti, Ouganda, Soudan du Sud, et dans une moindre mesure Tanzanie), où 20 millions de personnes auraient aujourd’hui besoin d’une assistance humanitaire d’urgence, selon les chiffres rendus publics par l’ONU.
Les plus affectés demeurent la Somalie – 2,9 millions de personnes en état de crise alimentaire – et le Soudan du Sud – 4,9 millions, soit respectivement un quart et la moitié de la population des deux pays. L’état de famine a même été officiellement déclaré par le gouvernement sud-soudanais dans deux comtés de l’Etat de Unity (nord), où 100 000 personnes pourraient mourir de faim si rien n’est fait.
Le « F-Word » a donc été prononcé, et le branle-bas de combat déclaré. Mercredi 22 février, Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, a tenu une conférence de presse, pointant le risque de famine dans plusieurs pays du monde et soulignant en particulier la gravité des cas somaliens et sud-soudanais. « Nous sommes face à une tragédie ; nous devons éviter qu’elle devienne une catastrophe », a-t-il lancé, rappelant que tout est encore « évitable si la communauté internationale prend des actions décisives ».
« Comme des mauvais fantômes, chacun a en mémoire les grandes famines d’Afrique de l’Est, comme dans les années 1980 en Ethiopie, mais surtout celle de 2011 dans la Corne de l’Afrique », note Jordi Raich Curco, chef de la délégation du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) en Somalie. La sécheresse avait fait plus de 260 000 victimes en Somalie. « La communauté internationale avait mis un temps invraisemblable à réagir. Quand l’état de famine avait été déclaré, tout le monde était déjà mort. Personne ne veut que ça se reproduise », rappelle M. Raich Curco.
Mais la situation en 2017 paraît plus préoccupante qu’en 2011. La sécheresse dépasse de loin les frontières de la Somalie, elle s’abat sur l’ensemble de la région et ce pour la troisième année consécutive, ravageant les cultures, abattant les dernières têtes de bétail et fragilisant terriblement les communautés locales. En plus du réchauffement climatique, qui frappe le continent plus durement que le reste du monde, l’Afrique de l’Est a subi les conséquences des phénomènes météorologiques El Niño et La Niña.
« Grand cirque humanitaire »
Face à l’urgence, l’ONU, par son Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a lancé courant février deux appels pour lever des fonds afin de récolter 825 millions de dollars (780 millions d’euros) pour venir en aide aux plus vulnérables en Somalie et 1,6 milliard de dollars pour le Soudan du Sud.
« Des montants complètement délirants, s’offusque un agent humanitaire travaillant à Nairobi. C’est le grand cirque humanitaire ! Personne ne se pose la question de l’accès aux populations ou de la logistique. Tout le monde a peur de reproduire les erreurs de 2011. C’est la politique du “zéro regret”. Mais si on s’y prend mal, tout cet argent peut finir dans les poches de responsables corrompus et avoir nombre d’effets pervers. »