Les aumôniers de prison lancent un cri d’alarme
Emmanuelle Lucas, le 25/04/2017 à 12h35
Au 1er avril, 70 230 personnes étaient détenues dans les prisons françaises, soit le plus haut niveau de surpopulation jamais atteint.
Sept responsables nationaux des aumôneries et présidents d’associations interpellent Emmanuel Macron et Marine Le Pen sur la question.
ZOOM
Au 1er avril, 70 230 personnes étaient détenues dans les prisons françaises, soit le plus haut niveau de surpopulation jamais atteint. / Bertrand Guay/AFP
Le nombre de personnes détenues en France a battu en avril un nouveau record et dépassé la barre des 70 000, selon des statistiques visibles sur le site du ministère de la justice.
Avec 70 230 personnes détenues, le taux d’occupation des prisons atteignait ainsi 120 %, tous établissements pénitentiaires confondus. Dans sept prisons, ce taux était même d’au moins 200 %. Et, au total, 1 883 personnes détenues dormaient sur des matelas au sol.
Vives tensions
Cette surpopulation, qui concerne surtout les personnes en attente de procès, plus que celles déjà condamnées, suscite de vives inquiétudes, à la fois chez certains directeurs de prisons, chez les syndicats de surveillants et chez les associations veillant aux droits des détenus. Elle est aussi source de vives tensions dans les établissements.
La prison de Fleury-Mérogis en région parisienne, plus grand établissement d’Europe, sort ainsi tout juste d’un mouvement de protestation des surveillants, tandis que la directrice de la maison d’arrêt de Villepinte avait annoncé fin mars que l’établissement ne pouvait plus accueillir de nouveaux détenus. Par ailleurs, l’État a été attaqué devant la justice administrative pour les conditions de détention de la prison surpeuplée de Fresnes (Val-de-Marne), où plus de 2 500 détenus cohabitent avec rats et punaises de lits.
À Lire : Surpopulation, les prisons au bord de la rupture
Sept responsables nationaux des aumôneries dans les prisons et présidents d’associations se sont exprimés à leur tour, le 24 avril. Dans une tribune publiée sur le site lemonde.fr, ils appellent en effet à « réduire de 15 000 le nombre de personnes détenues » et interpellent Emmanuel Macron et Marine Le Pen.
Chacun des deux candidats en lice pour le second tour de l’élection présidentielle s’est en effet prononcé pour la construction de nouvelles places de prison : 15 000 pour Emmanuel Macron et 40 000 pour Marine Le Pen.
À Lire : Prison, le revirement du quinquennat Hollande
Pourtant, rappellent les signataires, plutôt que de multiplier les places en prison, mieux vaudrait « s’attaquer au cœur du problème ». La surpopulation carcérale marque selon eux « l’échec des politiques publiques menées en matière de sécurité depuis quinze ans à travers des dispositifs pénaux inefficaces (…) ».
Quatre propositions
Ils avancent à l’inverse quatre propositions : associer les divers acteurs (parquet, juges et les prisons locales) à la gestion coordonnée des flux d’entrées et de sorties de prisons ; développer les peines alternatives pour certains délits mineurs ; revoir la conception des prisons pour en faire « des lieux d’insertion, de reconstruction et d’ouverture sur la société civile » ; limiter l’encellulement à deux.
Les signataires sont Brice Deymie (aumônier général protestant des prisons), Alain Senior (aumônier général israélite des prisons), Hassan El Alaoui Talibi (aumônier national musulman des prisons), Jean-François Penhouet (aumônier général catholique des prisons), Véronique Fayet (présidente du Secours catholique), Paul Marconot (président de l’Association nationale des visiteurs de prison) et Alexandre Duval-Stalla (avocat et président de Lire pour en sortir).
Emmanuelle Lucas