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    Ce qu’il faut pour vivre décemment

    1 400 € pour un actif seul, 3 300 € pour un couple avec deux enfants : une première étude calcule le « revenu minimum » nécessaire pour échapper à l’exclusion en France.

     
    Avec cet article

    L’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES) organise mardi 13 octobre un colloque international à Paris autour de ce nouvel indicateur.

    Bâti avec la participation des ménages, il recense les besoins matériels et sociaux jugés essentiels pour se sentir faire partie de la société.

    Cette nouvelle approche, adoptée pour la première fois en France dans une étude établissant des « budgets de référence », permet de mieux comprendre le lien entre privation et exclusion.

     

    Combien faut-il gagner pour vivre pleinement sa vie ? La question peut sembler saugrenue, utopiste pour certains. Mais la définition d’un « revenu minimum décent » est tout à fait sérieuse pour les chercheurs qui s’intéressent aux mécanismes de l’exclusion.

    Pour la première fois en France, une étude s’inspirant de cette approche tente d’évaluer ce que serait ce revenu décent. Une révolution copernicienne par rapport à la logique des minimas sociaux. Ce thème doit faire l’objet d’un colloque international, mardi 13 octobre à Paris.

    La France, pour prendre en compte ses pauvres et ses précaires, s’était jusque-là munie d’indicateurs plus ou moins arbitraires.

     

    Seuil de pauvreté fixé à 1000 € par mois

    On trouve d’abord le RSA de base, aujourd’hui à 500 € par mois, avec la possibilité d’un complément de revenu pour encourager les travailleurs pauvres à conserver leur activité. Il y a ensuite un seuil de pauvreté aujourd’hui fixé à 1 000 € par mois.

    Puis enfin un salaire minimum, le smic, à 1 135 € nets par mois. Ces filets de protection ont tous été bâtis en fonction de ce que la communauté était prête à investir. Le « revenu décent », lui, part des besoins des personnes.

    L’ONPES a demandé à deux organismes d’élaborer des « budgets de références », en fonction de diverses situations familiales. Une trentaine de groupes représentant près de 200 personnes ont participé à l’élaboration de paniers de biens et de services pour eux essentiels « pour une participation effective à la vie sociale » (1).

     

    14 % de la population vit sous le seuil de pauvreté

    Cette approche s’inspire des travaux du prix Nobel indien d’économie Amartya Sen, inventeur de la notion de « capabilité ». Selon lui, il n’est pas suffisant de donner des droits théoriques (santé, vote, minima sociaux). Il faut mettre les personnes en position de les demander et de faire des choix.

     > A lire Amartya Sen, 81 ans, l’économiste du cœur  

    Les « revenus décents » sur lesquels l’étude débouche varient entre 1 424 € (pour une personne active seule) et 3 284 € (pour un couple avec deux enfants), soit bien au-dessus du salaire minimum. Pourquoi tant d’efforts pour calculer un seuil que les plus pauvres ne pourront jamais atteindre ? « On peut ne pas être pauvre et éprouver des privations », répond Jérôme Vignon, président de l’observatoire.

    Aujourd’hui, 14 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Mais plus du double ne disposerait pas d’un « revenu décent », si on extrapole les données de l’étude. « Si on veut lutter contre l’exclusion, il faut faire des choses bonnes pour tous, et pas uniquement pour les pauvres afin d’éviter que se pose sans cesse la question de la stigmatisation », poursuit-il.

     

    Des besoins non pris en compte dans les budgets normés

    L’étude fait apparaître des préoccupations qui ne sont pas prises en compte dans les budgets normés par l’institution : avoir deux voitures pour un couple de travailleurs, ou partir en vacances au moins trois semaines par an pour une famille.

    Avoir une chambre supplémentaire pour accueillir de la famille apparaîtra comme fondamental à une personne âgée isolée, alors que ce critère n’entre pas en compte, par exemple, dans l’attribution d’une HLM. Or, la taille et la qualité des logements sont les premiers éléments sur lesquels on rogne quand on n’arrive pas à joindre les deux bouts.

     > A lire aussi La pauvreté recule en France  

    À presque tous les niveaux, l’étude fait apparaître des besoins plus importants que ceux pris en compte par l’Union nationale des associations familiales (Unaf) pour évaluer, à partir des données officielles, le « panier de la ménagère ».

    Ainsi, les besoins exprimés pour un couple avec deux enfants de 6 et 13 ans sont 2,6 fois supérieurs concernant l’hygiène, et près de deux fois supérieurs concernant les dépenses liées à la vie sociale (sorties culturelles…). Concernant l’habillement, les besoins exprimés sont 60 % supérieurs aux standards institutionnels.

     

    les dépenses courantes : 60 % des budgets de référence

    En tout, les dépenses courantes représentent 60 % des budgets de référence, ce qui correspond à peu près au seuil de pauvreté. « Avec leurs revenus, les plus démunis arrivent par conséquent à peine à couvrir les besoins de la survie. Ils ne peuvent pas investir dans le renouvellement d’un bien durable, ce qui montre à quel point ils peuvent avoir du mal à se tourner vers l’avenir », commente Jérôme Vignon.

    Cette étude ne se contente pas de donner une idée plus juste de l’état de privation dans lequel se trouvent les précaires. Elle a été conçue comme un outil d’aide à la décision publique. « À partir de ce type de travail, les collectivités locales, notamment, pourront plus facilement savoir où leur argent sera le mieux placé pour améliorer la vie des gens modestes », indique Jérôme Vignon.

    Car certains leviers sont plus efficaces que d’autres pour redonner un peu d’air aux plus démunis. Si tous les actifs vivant seuls en location dans le secteur privé (c’est le cas de 25 % d’entre eux) passaient dans le parc HLM, ils réaliseraient une économie mensuelle moyenne de 150 € par mois. Cela aurait pour effet immédiat de faire chuter le taux de pauvreté de 19 à 17 % pour ce type de ménage.

    –––––––––––––––--------

     Six « budgets de référence » 

     Pour mener leur étude, l’Ires (Institut de recherches économiques et sociales) et le Crédoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) ont sollicité près de 200 personnes afin de bâtir des « budgets de référence » pour six ménages types :

    Famille monoparentale avec deux enfants : 2 599 €, dont 13 % pour les transports, 14 % pour l’alimentation, et 11 % pour la vie sociale.

    Couple avec deux enfants : 3 284 €, dont 13 % pour les transports, 18 % pour l’alimentation, et 14 % pour la vie sociale.

    Couple d’actifs sans enfants : 1 985 €, dont 18 % pour les transports, 22 % pour l’alimentation, et 10 % pour la vie sociale.

    Personne seule active : 1 424 €, dont 21 % pour les transports, 15 % pour l’alimentation, et 11 % pour la vie sociale.

    Couple de retraités : 2 187 €, dont 14 % pour les transports, 21 % pour l’alimentation, et 9 % pour la vie sociale.

    Personne seule retraitée : 1 569 €, dont 17 % pour les transports, 14 % pour l’alimentation, et 10 % pour la vie sociale.

    JEAN-BAPTISTE FRANÇOIS

    (1) Enquête menée en 2014-2015 par le Crédoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) et l’Ires (Institut de recherches économiques et sociales) avec l’aide de ménages habitant à Tours et à Dijon. Sa représentativité est limitée à l’échelle nationale.

     Cliquez sur ses liens ci dessous 

    http://www.la-croix.com/Actualite/France/Ce-qu-il-faut-pour-vivre-decemment-2015-10-13-1367633

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    Echantillons de sperme conservés dans des cuves d'azote liquide au CECOS de l'...

     

    Née d’un don de sperme

    Audrey réclame la levée partielle de l’anonymat de ses origines

     

    Dans un avis de juin 2013, la haute juridiction avait estimé que la loi de bioéthique, qui prévoit l’anonymat du don de gamètes, n’était pas incompatible avec la convention européenne des droits de l’homme.

    C’est une audience importante, en particulier pour les enfants nés d’un don de gamètes. Mercredi 21 octobre, Audrey Kermalvezen (1), une avocate née il y a 35 ans grâce à un don de sperme, va demander, devant le conseil d’État, à pouvoir accéder à certaines informations sur son géniteur.

     > À lire :  Faut-il lever l’anonymat des donneurs de gamètes ? 

     « Je ne cherche pas un père, j’en ai un que j’aime, explique la jeune femme. Mais tout le monde a besoin de savoir d’où il vient. » Audrey Kermalvezen – il s’agit d’un pseudonyme – se heurte cependant aux lois de bioéthique qui, de révision en révision, ont maintenu le principe du don de gamètes anonyme et gratuit.

     

    Une demande de données non identifiantes

    C’est pourquoi l’avocate, qui se bat depuis plusieurs années, expose deux types de demandes. Elle souhaite, d’une part, accéder à des données non identifiantes sur le donneur : Est-il vivant ou mort ? Quel âge avait-il au moment du don ? Quelles sont ses caractéristiques physiques ? Quels sont ses antécédents médicaux ? Sur ce dernier point, la loi prévoit la possibilité d’accéder à certaines données, « mais il faut déjà être malade pour y prétendre ! » déplore la requérante.

    Interroger les donneurs ?

    Cette dernière souhaite, d’autre part, que l’on interroge le donneur pour savoir s’il serait d’accord pour dévoiler son identité. « On sait que certains donneurs n’ont rien contre, pourquoi ne pas leur poser directement la question ? », demande Audrey, arguant notamment du fait que les géniteurs peuvent souhaiter l’anonymat au moment du don puis évoluer. Jusqu’ici, cependant, ses démarches n’ont pas abouti. La jeune femme a ainsi été déboutée par le tribunal administratif de Montreuil, puis par la cour administrative d’appel de Versailles.

     > Lire aussi :  Faut-il encourager le don d’ovocytes ? 

    Dans un avis (2) du 13 juin 2013, le Conseil d’État a estimé que le législateur français avait, à travers le don anonyme, « établi un juste équilibre entre les intérêts en présence », donneur, couple receveur et enfant. Et concluait que l’interdiction d’accéder à ses origines (même partiellement) n’était « pas incompatible » avec la convention européenne des droits de l’homme dont l’article 8 protège « le droit à la vie privée et familiale ». Cependant, la publication d’un avis n’empêche nullement un recours devant la haute juridiction. En outre, Audrey est bien décidée à aller devant la CEDH si nécessaire. En cas d’inconventionnalité, le législateur devrait revoir sa copie. Mais alors, la levée de l’anonymat ne concernerait que les enfants à naître.

    MARINE LAMOUREUX

     http://www.la-croix.com/Actualite/France/Nee-d-un-don-de-sperme-Audrey-reclame-la-levee-partielle-de-l-anonymat-de-ses-origines-2015-10-21-1370961?xtor=EPR-9-[1300892776]

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